Le phénomène Yuka : bon ou pas ?

Que mangeons-nous vraiment ? Yuka c’est l’application qui nous aide à y voir plus clair : elle décrypte pour nous les listes d’ingrédients et les informations nutritionnelles des produits alimentaires. 

En France, l’Etat a voulu remédier au symptôme des informations « cachées » en créant le logo Nutriscore : un système simplifié d’étiquetage nutritionnel grâce à des couleurs et des lettres pour faciliter le choix d’achat du consommateur. Bien entendu, sous la pression des lobbies industriels, le logo est simplement devenu facultatif et donc boycotté par les marques. Surprenant, non ?! L’équipe Yuka a donc décidé de prendre le relais dans la chasse aux produits industriels et de faire le choix entre les bons et les mauvais, dans le but de devenir notre meilleur allié santé au supermarché !

Yuka est une application gratuite, disponible sur iOS et Android. Elle a été lancée en 2017 et compte aujourd’hui plus de 2 millions d’utilisateurs.
Son but est très simple : utiliser le code barre des produits pour les scanner grâce à votre smartphone et ainsi détailler leur composition. Très facile et rapide en faisant ses courses ! Une fois scanné, Yuka attribue une couleur et une note sur 100 au produit :
– Vert foncé pour excellent (75 à 100 sur 100)
– Vert pour bon (50 à 75)
– Orange pour médiocre (25 à 50)
– Rouge pour mauvais (en dessous de 25)
Le système de notation prend en compte la qualité nutritionnelle (60% de la note), les additifs (30%) et s’il s’agit d’un produit biologique (10%).

Un tableau représente les défauts et/ou qualités nutritionnelles du produit de façon très claire et agréable, toujours grâce au système de notation par couleur : protéines, fibres, calories, sucre, sel, graisses saturées et additifs.

Ce qui rend cette application aussi complète, c’est la possibilité de rentrer dans les détails de la composition avec les additifs : Vert pour additif sans impact, Jaune pour douteux, Orange pour à éviter, Rouge pour nocif.
Les surprises vont commencer à tomber (…un peu comme avec les produits cosmétiques).

Yuka va également faire la synthèse des produits scannés sur les 30 derniers jours sous la forme d’un graphique-assiette : ce sera le début de la chasse au rouge ! Et c’est ici que Yuka devient judicieux. L’appli va vous proposer des recommandations pour certains produits – certes, parfois hors sujet mais certainement car il n’y a pas d’alternative saine au produit initial… à méditer.

Synthèse sur un mois et recommandations

La première question qui traverse l’esprit face à ces informations c’est « d’où viennent-elles ? » et « sont-elles fiables ? »

Yuka est une application indépendante. Bravo !
En effet, les informations nutritionnelles sur les produits proviennent de la base de données libre et collaborative Open Food Facts (OFF), une association à but non lucratif composée de volontaires créée en 2012. Cette base compte aujourd’hui plus de 250 000 produits alimentaires dont la communauté, c’est-à-dire des consommateurs comme vous et moi, l’agrandissent chaque jour et dont les données sont reconnues par les experts du secteur. Yuka et OFF s’auto-alimentent grâce aux utilisateurs. Il existe d’ailleurs une application Open Food Facts mais d’après moi, moins intuitive et complète. « Là où leur analyse se base uniquement sur la qualité nutritionnelle du produit, nous regardons également la présence d’additifs et le caractère biologique », précise Julie Chapon, cofondatrice de Yuka. En ce qui concerne les recommandations de produits, il ne s’agit en aucun cas de publicités mais d’algorithmes, comme nous l’explique Yuka dans sa FAQ :

«Lorsqu’un produit est médiocre ou mauvais, Yuka identifie via un algorithme des produits similaires meilleurs pour la santé. Cette sélection est impartiale : aucune marque ne rémunère ou n’influence Yuka pour apparaître dans les recommandations.

L’algorithme prend en compte :

– La catégorie du produit (biscuits, yaourts, etc.) afin de recommander un produit au plus proche du produit initial

– La note du produit afin de recommander uniquement des produits bien notés, à savoir « bons » ou « excellents »

– La disponibilité du produit afin de recommander des produits qui peuvent être trouvés facilement en magasin»

Mais…

Il y a bien quelques limites à la notation Yuka. Restons optimistes et envisageons-les comme un futur axe d’amélioration.

La base de données : Son avantage, l’indépendance mais son inconvénient, son manque de rigueur. Quand on prend le temps de comparer les informations sur l’emballage du produit et les informations communiquées sur l’application, on peut remarquer des incohérences; les chiffres peuvent être erronés et des ingrédients peuvent manquer (surtout les additifs), ce qui fausse la notation. De plus, la base de données n’est pas régulièrement mise à jour – il faudrait un contrôle (algorithmique ?) plus rigoureux de la part de Yuka afin de continuer sur cette base de collaboration avec le consommateur. Si de telles erreurs peuvent se produire et passer inaperçues, à terme, est-il possible que des industriels « malhonnêtes » viennent collaborer en arrangeant les informations de leurs produits ?

L’analyse sur 100g : Logique, il faut une base commune afin de comparer des aliments entre eux mais… cela présente des limites qu’il faut simplement connaître. Prenons l’exemple du beurre. S’il n’a pas d’additifs nocifs, il sera classé en catégorie médiocre en raison de son important taux de graisses saturées pour 100g et donc considéré comme trop calorique. Mais qui consomme autant de beurre en une journée ? Oui, c’est un aliment calorique mais aussi très riche en vitamines et acides gras qui ne sont pas tous nocifs (regardez ici pour plus de détails) – consommé en faible quantité, il est un atout pour votre santé. En revanche, un plat cuisiné considéré comme équilibré pour 100g de produit ne représentera pas la réelle quantité consommée, bien supérieure, qui risquera d’être moins équilibrée au final.

Les graisses saturées : Pourquoi ne se baser que sur les graisses saturées et non pas la quantité totale de graisses ? Un produit avec une faible quantité de graisses saturées, bien noté par Yuka, n’est pas forcément un produit peu gras. Prenons une fois de plus l’exemple du beurre (riche en acides gras saturés) et sa grande rivale, la margarine (riche en acides gras insaturés). Dans les deux cas, pour 100g de produit, les calories et les quantités de graisses seront les mêmes, seule différence : graisse animale pour le beurre et graisse végétale pour la margarine (assez controversée d’ailleurs avec les huiles hydrogénées et autres). Autre exemple, celui du fromage : que le produit soit bio ou non, dans la majorité des cas il sera considéré comme médiocre car trop calorique ou trop salé et la recommandation vous conseillera à la place un produit allégé ou 0%… Pourtant, grand débat autour de tous ces produits allégés (aspartame, qualités nutritionnelles…) et souvent dénoncés comme non pertinents. On supprime un défaut pour le remplacer par un autre, peut-être pire ? Ou alors on arrête de consommer des laitages ? En réalité, l’idée n’est pas d’éliminer totalement les acides gras saturés de votre alimentation mais bien de les limiter.

Alternative proposée à la mozzarella, et même l’alternative light est encore jugée « un peu trop gras » …

La qualité des aliments : Elle n’est absolument pas prise en compte dans la notation Yuka – pourtant c’est une des qualités primordiales dans une alimentation saine. Un exemple assez parlant, les produits transformés comme les poissons panés ou les nuggets de poulet. A ma très grande surprise, ces deux aliments ont pu obtenir des notes excellentes. Pourtant le débat autour de ces deux produits n’est pas nouveau et dénonce souvent la faible proportion de viande/poisson dans le produit ou encore la provenance de la viande utilisée (abats, nerfs et os… quel programme !). Tous les produits ne sont peut-être pas concernés par ce sujet mais dans ce cas précis, ce n’est pas Yuka qui vous le dira.

Les sucres : Cette catégorie est en réalité assez proche de celle de la qualité des aliments. En effet, il n’y a pas de distinction entre les sucres naturels et les sucres ajoutés. Il est bien-sûr recommandé de réduire sa consommation en sucres et cela Yuka le scanne très bien. Seulement il est difficile de le bannir totalement de son alimentation car il est très présent, et même naturellement dans les fruits ! Il serait donc judicieux de le distinguer pour faire un meilleur choix et traquer par exemple son principal adversaire : le sirop de glucose-fructose – votre meilleur ennemi santé. Bon marché, ce sirop a remplacé le traditionnel sucre de canne (ou de betterave). Sa particularité, en bref : il est enrichi en fructose dont le pouvoir sucrant est cinq fois supérieur au glucose !! De plus, à l’inverse du glucose, le fructose n’est pas métabolisé par l’insuline mais par le foie. Sa consommation augmente le taux des lipides dans le sang et provoque une accumulation de graisse dans le foie. Mais pour le repérer dans les aliments, vous devrez vous-même le traquer dans la liste d’ingrédients.

Voilà pourquoi, il est important de mesurer l’importance de ces limites et d’apprendre à lire entre les lignes. Yuka est un outil pour nous guider mais il revient aussi à nous de bien l’utiliser. Sans notre bon sens, l’algorithme drastique de Yuka va stigmatiser certains aliments sans prendre en considération les bienfaits en vitamines et minéraux qu’ils apportent. Apparemment, le sujet du trop healthy est d’actualité et devient assez sérieux car un nouveau trouble du comportement fait de plus en plus parler de lui : l’orthorexie.

La note positive

Là où je trouve l’application géniale, c’est dans le décryptage des additifs et leur impact sur notre santé. Qui les connaît vraiment ? Pas grand monde. Faire ses choix en connaissance de cause et en fonction de la dangerosité des ingrédients c’est le top. Faites-en l’expérience, consommer un aliment tout en sachant pertinemment qu’il est cancérigène – bizarrement, la saveur n’est plus la même !
Quelle désillusion quand j’ai découvert des additifs nocifs dans ma crème fraîche habituelle, mes fromages et même les gâteaux visant les enfants ! D’ailleurs, j’ai bien l’impression que les produits à destination des petits sont les plus mauvais (7 additifs nocifs ou douteux dans un cake aux fruits, 16 en tout – et encore je parie que je ne détiens pas le record !). Pourtant, difficile d’expliquer aux enfants qu’il faut remplacer son goûter préféré par un autre – ayant discuté avec des parents, la parole de Yuka est bien plus crédible que celle de papa, maman. De quoi transformer les courses en un terrain d’apprentissage vers une consommation future plus green 🙂

Faites tout de même attention. Il est toujours difficile de classer un additif « sans impact » car les effets à long terme ne sont pas encore connus ou bien pas encore étudiés. Le mieux est de toujours choisir une liste d’ingrédients la plus simple possible.

Autre point très positif : mettre en lumière que tous les produits bio ne sont pas obligatoirement « bons » pour notre santé.

SolynAvis

Nul n’est parfait. La notation de Yuka vous dira que le sel est trop salé et que le sucre est trop sucré… mais saviez-vous que vous pouvez trouver des additifs dans du sel ?! Trop de sucre dans de la sauce tomate ?! Et c’est ainsi que l’appli tire son épingle du jeu. Son idée est bonne, intuitive et c’est un vrai coup de pouce pour nous aider à mieux consommer. Yuka nous veut du bien alors prenons ce qu’il nous offre de positif. Attention juste à ne pas le laisser « réfléchir à notre place » car l’application n’est pas infaillible : c’est une bonne base pour nous guider vers une meilleure éducation nutritionnelle et surtout, une bonne arme pour montrer aux industriels qu’ils ne nous feront plus avaler n’importe quoi !

Il ne vous reste donc plus qu’à télécharger cette application qui va à coup sûr vous motiver à modifier le contenu de votre assiette.

La nouveauté : la version scan des cosmétiques est enfin disponible. Une bonne entrée en matière dans le sujet sensible des cosmétiques – mais ne négligez pas le site La vérité sur les Cosmétiques, une base de données bien plus complète et surtout tenue par des professionnels du secteur (je vous en ai parlé en détail dans mon tout premier post « Cosmétiques naturels : les pièges du greenwashing »).

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